« Tout doit être porté à terme, puis mis au monde.
Laissez chaque impression et chaque germe de sensibilité
s’accomplir en vous, dans l’obscurité, dans l’indicible,
l’inconscient, là où l’intelligence proprement dite n’atteint pas,
et laissez-les attendre, avec une humilité et une patience profondes,
l’heure d’accoucher d’une nouvelle clarté : cela seul s’appelle vivre
l’expérience de l’art : qu’il s’agisse de comprendre ou de créer.
Là, le temps ne peut servir de mesure, l’année ne compte pas,
et six ans ne sont rien ; être artiste veut dire : ne pas calculer ni compter ;
mûrir comme l’arbre qui ne hâte pas sa sève et qui, tranquille,
se tient dans les tempêtes de printemps sans redouter qu’après
elle puisse ne pas venir l’été. Il vient de toute façon. Mais il vient
seulement chez ceux qui, patients, sont là comme si l’éternité
s’étendait devant eux, insoucieusement calme et ouverte.
Je l’apprends tous les jours, je l’apprends au prix de douleurs
envers lesquelles j’ai de la gratitude : la patience est tout ! »