La peinture de Ciana est une peinture nouée, coulée, tracée et déroulée sur une trame évoluant au même rythme, à la même cadence, sur le même flot, à savoir les pulsions cachées et connues de lui seul et qu’il semble vouloir traduire dans une sorte de composition sérielle, classée et très construite.
C’est une suite séquentielle de gestes picturaux gravement ordonnés où n’est sensiblement impliqué ni le souci de plaire, ni la tare de se complaire.
C’est une peinture sans compromission, nue et dont la subtile agression est lente et prégnante, la sûre progression inaltérable, comme le sont les plus profondes sources. C’est là où l’apparente gratuité se heurte à quelque chose de muet, de sourd, de lourd que l’on ne peut définir qu’en soi, profondément. Il y a une disposition alternée de surfaces aplanies, de traits parfois curieusement expressifs, de flux délicatement colorés, comme obéissant à un code qui n’aurait que faire d’une élégance trop facile pour entrer spontanément dans le cru, le clair, le direct. Ciana, c’est une peinture brute, disons-le, sans chichi, sans fioritures, sans chablon de limpidité ou de mesure: c’est la peinture d’un doux fou qui n’exulte pas à travers elle, mais plus bizarrement s’y perd ou s’y cache, laissant la trace d’un être qui ne se résout pas à être plus objectif, plus déterminé, plus parlant. Cela surprend et cela touche, car l’homme est comme ses tableaux: il est à la fois flou et linéaire, brut et précieux, dense et éthéré.
Il se dégage d’une première vision de l’oeuvre quelque chose de parfaitement inattendu et subtil pour moi qui ne connaissais pas l’art de ce peintre: Ciana, c’est la cohérence. Je veux dire que l’abstraction se fait ici merveilleuse clé d’un monde « cianien » inconnu et très personnel, magnifique développement d’une galerie costumière parfaitement homogène et surtout, sans paradoxe aucun, l’expression d’une aventure picturale complètement sincère.
Christian Michaud 07