En introduisant des planches anatomiques dans ses dessins et collages, David Ciana renoue avec une tradition qui remonte à la Renaissance, époque à laquelle l’art s’est trouvé lié aux progrès de l’anatomie. Pour dessiner ces planches, il fallait en effet des artistes, qui ont par ailleurs largement utilisé ces mêmes documents pour représenter le corps. Léonard de Vinci, Dürer ou Rembrandt sont allés jusqu’à transgresser la loi pour disséquer des cadavres et en découvrir les secrets des muscles, des différents systèmes, afin d’ancrer le mieux possible leurs peintures et dessins dans la réalité cachée des corps. A notre époque, l’imagerie médicale permet de regarder à l’intérieur du corps sans devoir l’ouvrir, et surtout d’observer à l’intérieur des corps vivants. Et pourtant, la même fascination pour le fonctionnement de la machine humaine perdure: les artistes persistent à chercher ce qui est enfoui à l’intérieur et à essayer de le rendre visible dans leur travail.
Les planches d’anatomie que David Ciana intègre à ses dessins constituent, en plus du fait de puiser leur source dans la tradition, dans sa lecture actuelle, également une image éclatée et violente qui va au-delà de la nudité. A partir de là, son dessin peut poursuivre la dissection des corps et continuer à nous révéler ce qui se cache sous la surface. Il semble enlever les couches superficielles pour mettre à nu une autre réalité, celle d’un univers qui lui appartient et qu’il nous offre à voir. Le côté expressionniste de son dessin n’entame en rien la solidité de ses compositions auxquelles il confère équilibre et structure. S’il peut paraître décousu dans un premier temps, le dessin est au contraire construit de manière précise, même si la volonté de l’artiste n’apparaît pas nécessairement du premier coup dans ce processus. Cette rigueur dans la construction serait plutôt due à l’adéquation entre maîtrise du trait et la transposition de l’idée de l’artiste en image, à travers ces corps qui naviguent dans des espaces intemporels et selon une représentation personnalisée de la perspective.
Nicole Kunz
Texte écrit par Nicole Kunz dans le cadre de l’exposition:
« poétique du corps » à la ferme de la Chapelle (Grand-Lancy) – Juillet 2011
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