Les nouvelles démarches de David Ciana
Tout d’abord, il convient de préciser qu’une première approche de la peinture de David Ciana m’a été proposée il y a quelques mois par l’artiste lui-même et cette rencontre m’a permis de réaliser une petite étude de sa peinture, rapide ébauche d’accompagnement d’une partie de son œuvre abstraite.
Aujourd’hui, Ciana me propose de jeter à nouveau un regard sur son œuvre en précisant que son intention est d’ajouter au domaine très intériorisé de l’abstraction un glissement vers une gestuelle plus figurative,voire plus formelle. En effet, dès le premier regard, on sait que l’on a à faire à tout autre chose,à une approche désormais différente que Ciana explique par une volonté nouvelle d’allier d’abord sa peinture au dessin, geste qu’il a hautement pratiqué dans des centaines de petites œuvres aux traits lestes et efficaces. Mais là où son approche est foncièrement nouvelle et déroutante,c’est qu’il s’associe pour ce faire les services d’une construction purement académique pour dériver «silencieusement» vers une allitération du thème à la fois subjective et suggestive, et non l’inverse, comme on aurait pu l’attendre, c’est-à-dire par une forme de «noyade» de la chose académique sous le flot impétueux de la subjectivité. Alors est-ce une manière de conforter son geste, de le formaliser, de le faire agréer que de présenter ainsi en une série considérable de grands tableaux écrus ces célèbres planches anatomiques du médecin de la Renaissance, André Vésale, représentant le corps humain dans une attitude empruntant plus facilement au théâtre qu’à la science? Et d’y importer ou exporter en chacun d’eux une sorte de plus-value éthérée, comme la touche intemporelle de l’âme, comme un mirage dans l’espace, comme une mystérieuse aura? Qui donc est cet orant implorant au visage tourné vers le ciel et qui semble d’une main déchirer ses propres chairs alors que de l’autre il suggère toute la misère et la fatalité humaines? Et que viennent donc dire et prétendre ces flous accompagnants, ces anges gardiens, ces clones aériens que Ciana dispose comme des souffles, comme des fantômes, comme des «vies» autour de l’écorché initial?
C’est là où je sens moi-même toute la gravité de la chose, où je tente à mon tour de répondre à ces questionnements « à fleur de peau », dans une dissection à la fois physique et morale, très intimement liée aux vieilles douleurs primales. C’est là où je me sens concerné par les utopiques missions de l’homme qui semble s’acharner à se comprendre, à se chercher, à se demander pourquoi, à questionner les nues dans ses insondables quêtes existentielles. C’est là enfin où s’opère la vraie distinction entre le réel et l’imaginaire. Et cette association de l’anatomie pure et de cette mystique éthérée proposée par Ciana révèle une impossible osmose mais aussi une inéluctable distanciation de l’esprit et du corps.
Christian Michaud 07